Le Japon face à la spirale inquiétante des jeux d'argent en ligne

  20/05/2025

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Au Japon, de plus en plus de gens glissent dans une réalité parallèle, souvent discrète, presque invisible : celle des casinos en ligne. Ils sont nombreux à cliquer en silence, souvent la nuit, souvent seuls, en pensant que « ce n’est pas si grave ». Pourtant, les chiffres, eux, ne mentent pas. Plus de 3 millions de personnes se connecteraient régulièrement à des plateformes de jeux d’argent en ligne, et ce, malgré l’interdiction formelle de ces sites sur le territoire. Ce qui alarme, ce n’est pas seulement le nombre. C’est ce que cela coûte, littéralement. On parle ici de plus de 1,2 trillion de yens chaque année, soit l’équivalent de 7,4 milliards d’euros. Et ce n’est pas de l’argent qui circule dans l’économie nationale. Non. Il part à l’étranger, vers des opérateurs souvent inaccessibles, voire hors d’atteinte pour les autorités japonaises.

L’envers du décor : addiction, dettes et silence

Ce qu’on découvre derrière les écrans, ce sont des parcours de vie bouleversés. Selon une enquête récente, près de 60 % des personnes qui jouent en ligne de façon régulière présentent des signes de dépendance. Et presque une sur deux est déjà endettée. C’est énorme. C’est surtout dramatique. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est la banalisation du geste. Tout est pensé pour que l’expérience soit fluide, rapide, presque sans friction : une interface en japonais, un clic pour déposer, un autre pour miser, des messages publicitaires bien ciblés. Tout se fait en quelques secondes, avec une carte bancaire ou une application de paiement. Et le piège se referme souvent sans même qu’on s’en rende compte.

La problématique des jeux d'argent au Japon

Quand les influenceurs brouillent les repères

L’un des aspects les plus insidieux de cette crise, c’est l’effet de l’influence. Littéralement. Près d’un quart des joueurs réguliers ont reconnu avoir été incités à essayer par des célébrités ou des influenceurs. Ces personnalités connues affichent des partenariats avec des casinos étrangers, parfois sans même mentionner l’illégalité de ces pratiques. Leur image rassure, leur discours normalise.

Imaginez un jeune adulte voit son artiste préféré miser de l’argent « pour le fun » sur une story Instagram. Il se dit que lui aussi peut essayer, juste une fois. Et voilà comment commence une spirale qu’il sera parfois très difficile d’arrêter.

Face à l’ampleur du phénomène, les autorités japonaises ont décidé de prendre les choses en main. Le gouvernement a récemment approuvé une stratégie nationale pour s’attaquer au problème de fond. Et cette fois, il ne s’agit pas simplement de faire la morale. La nouvelle stratégie repose sur plusieurs axes : d’abord, durcir la législation pour interdire clairement la création et la promotion de ces sites. Ensuite, encadrer de façon beaucoup plus stricte les agences de recouvrement qui profitent des joueurs endettés. Enfin (et c’est crucial), lancer de véritables campagnes de prévention à destination du public.

Il s’agit d’informer, mais aussi de faire réfléchir. De rappeler que ces jeux, même derrière un écran, sont interdits. Que les conséquences peuvent être graves, et que personne n’est à l’abri.

Pourquoi ce combat est si difficile

Malgré cette prise de conscience politique, la tâche est colossale. La plupart de ces sites sont hébergés à l’étranger, souvent dans des juridictions où leur activité est parfaitement légale. La justice japonaise a donc peu de moyens pour intervenir directement. Et puis il y a la question du sport, particulièrement sensible au Japon. Une large partie des paris en ligne illégaux concerne des compétitions nationales. Le baseball, par exemple, concentre à lui seul plus de 500 milliards de yens de mises. C’est un choc. Un sport aussi emblématique associé à des flux financiers clandestins ? C’est une alarme qu’il serait irresponsable d’ignorer.

Aujourd’hui, nous sommes face à un choix collectif. On ne pourra pas régler ce problème uniquement avec des lois. Il faudra aussi créer un véritable mouvement de sensibilisation, qui implique les familles, les écoles, les entreprises. Il faut que chacun comprenne qu’il ne s’agit pas d’un « petit problème d’écran ». C’est une addiction qui détruit des vies. Et parce que personne n’est à l’abri, il faut aussi penser à l’après. Comment aider ceux qui veulent s’en sortir ? Où peuvent-ils aller ? À qui parler ? Trop souvent, les joueurs tombent dans l’isolement, rongés par la honte ou la culpabilité. Il est temps d’ouvrir ces conversations sans jugement.

Voici quelques idées simples, mais essentielles, qui pourraient faire une vraie différence :

  • Créer un numéro d’urgence, joignable discrètement par message, pour les personnes en détresse.
  • Mettre à disposition des modules éducatifs sur le jeu en ligne dès le lycée, animés par des intervenants formés.
  • Mener des campagnes avec d’anciens joueurs, qui peuvent partager leur expérience et briser le tabou.

Le Japon a toujours su faire preuve de résilience. Cette fois encore, il faudra du courage. Pas seulement politique, mais aussi humain. Car derrière chaque pseudo, derrière chaque mise, il y a une personne. Et peut-être même quelqu’un qu’on connaît.